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Cercle Colbert 23 septembre: Asymétrie des compétences et reterritorialisation du droit

La théorie de l’Etat privilégie une conception symétrique de la structure de l’Etat unitaire comme de l’Etat fédéral, c’est-à-dire une structure où le rapport de chacune des parties de l’Etat (départements, régions, Etats fédérés) avec le centre est la même, une structure en « toile d’araignée ». Cependant, depuis la fin des années soixante les revendications des minorités nationales, régionales ou autochtones conduisent à remettre en question cette conception trop rigide de l’Etat. Une attention plus grande est portée aux phénomènes d’asymétrie institutionnelle qui permettent de reconnaître des intérêts spécifiques à certaines composantes de l’Etat. Ce phénomène est accentué, depuis le début des années quatre-vingt-dix avec le développement des métropoles.

 

 

Le développement de l’Etat, dont le principe est la souveraineté, a été un puissant moyen de rationalisation et d’homogénéisation du droit. La régression de la coutume, la codification du droit, l’affirmation du principe de l’égalité devant la loi ont conduit à la neutralisation privilèges, des lois particulières, des droits régionaux. La centralisation, en France, en est l’expression la plus marquante, mais la décentralisation ou le fédéralisme obéissent à une même logique, que l’on peut ici qualifier de symétrique. L’imaginaire symétrique habite la théorie générale de l’Etat qui s’efforce de dégager des modèles à partir de la sélection des faits pertinents, eux-mêmes choisis en fonction des présupposés de l’imaginaire symétrique. Les enseignements tirés de certains échecs de la décolonisation, la reconnaissance des droits des minorités régionales ou autochtones, ont cependant conduit à critiquer des formes d’Etat trop rigides et à introduire des formes d’asymétries propres à reconnaître la spécificité de certaines situations, les intérêts propres de certains groupes, ou leur faculté d’autodétermination. Le mouvement historique de la formation de l’Etat, depuis le XVIIe siècle, est dominé par les forces de la déterritorialisation (lutte contre les conceptions féodales) et de la reterritorialisation (promotion de l’Etat-nation). Mais le mouvement historique de la mondialisation remet en question la territorialité de l’Etat-nation, en reconnaissant notamment le droit des minorités régionales ou en favorisant la reconnaissance d’un statut spécial pour les grands pôles de l’économie mondiale que sont les métropoles.

 

La théorie générale de l’Etat, vecteur de l’imaginaire symétrique

 

L’ordre institutionnel et juridique a souvent été pensé, en France, selon un axe de symétrie à partir duquel s’articlulent les relais de la loi, depuis l’Etat central jusqu’aux communes, en passant par les départements.  Le schéma de cette symétrie est en quelque sorte donné par Sieyès lorsqu’il imagine, dans Qu’est-ce que le tiers Etat ?, une sphère dont le centre est la loi, rayonnant également vers tous les citoyens, placés à sa circonférence : « Je me figure la loi au centre d’un globe immense ; tous les citoyens sans exception sont à même distance sur la circonférence et n’y occupent que des places égales ; tous dépendent également de la loi, tous lui offrent leur liberté et leur propriété à protéger ; et c’est ce que j’appelle les droits communs des citoyens, par où ils se ressemblent tous. Tous ces individus correspondent entre eux, ils négocient, ils s’engagent les uns envers les autres, toujours sous la garantie commune de la loi »[1]. Un schéma analogue commande l’aménagement du territoire dans le projet présenté par Sieyès et Thouret, le 27 septembre 1789, à l’Assemblée nationale. Il est alors question d’organiser géométriquement la France en 80 départements, sans compter Paris. Chaque département devra former un carré de 18 lieues de côté (70 Km) et chaque carré, à son tour, sera fractionné en 9 districts de 6 lieues de côté, eux-mêmes encore fractionnés en 9 cantons de 4 lieues de côté. Chaque canton comptera en moyenne 680 citoyens actifs, lesquels constitueront l'assemblée primaire des cantons. A la tête de chacun de ces départements une assemblée départementale sera constituée de 81 membres. Chacun de ces membres versera une contribution égale à dix journées de travail et sera choisi en fonction du territoire, de la population et des impôts directs. Le rôle principal des assemblées départementales consistera à nommer les députés à l'Assemblée nationale, à raison de 9 députés par département soit 720 députés nationaux[2].  Il faut noter que ce projet n’organise pas seulement le territoire de manière géométrique mais répartit de manière homogène la population dans les départements et les communes. La différence des villes et des campagnes, qui était sans doute moins forte au XVIIIe siècle qu’aujourd’hui, est estompée encore par cette répartition.  Le projet n’a finalement pas été retenu, mais le principe de l’organisation géométrique, le respect des axes de symétrie, est resté avec l’institution du département et du préfet. En 1800, Chaptal et Roederer imaginent en effet la constitution administrative de la France selon un schéma encore une fois analogue. Dans un avant-projet à la loi du 28 pluviôse an VIII, concernant « la division du territoire de la République et l'administration » (17 février 1800), évoquant le rôle des futurs préfets dans la répercussion des ordres du Premier consul, ils usent de l’image saisissante du fluide électrique irisant simultanément les confins de l’ordre social:  « Le préfet, essentiellement occupé de l'exécution, transmet les ordres au sous-préfet, celui-ci aux maires des villes, bourgs et villages ; de manière que la chaîne d'exécution descend sans  interruption du ministre à l'administré, et transmet la loi et les ordres du gouvernement jusqu'aux dernières ramifications de l'ordre social avec la rapidité du fluide électrique jusqu'au dernier  élément du corps social »[3].  La vitesse de propagation de l’ordre abolit les contraintes géographiques : les montagnes et les vallées n’offrent théoriquement pas de résistance à la propagation électrique des ordres impérieux et bientôt impériaux.

 

Ces trois exemples illustrent, jusqu’à la caricature peut être, une conception rationnelle de l’Etat où le fluide juridique irise simultanément tous lieux du territoire de l’Etat. On y retrouve toujours cette même structure, en araignée, organisée à partir d’un point central. Mais le principe de symétrie n’est pas propre au seul Etat centralisé, il ne disparaît pas avec la décentralisation. Celle-ci a été pensée, en France, avec les mêmes outils conceptuels : les départements et les régions compris à présent comme des collectivités territoriales, sont organisés à partir d’un même schéma indéfiniment répété. Aux confins de l’Etat, il est vrai, on aménage des exceptions, en Corse, en Outre-mer mais, précisément, ces aménagements sont pensés comme des exceptions. La norme reste la symétrie.20131113_CERCLE_COLBERT_0044.jpg

 

L’Etat fédéral diffère-t-il fondamentalement de ce schéma ? A bien des égards les Etats fédéraux par associations, comme les Etats-Unis d’Amérique ou l’Allemagne fédérale, sont pensés selon un principe de symétrie[4]. Ils sont, pour prendre une image, la version kaléidoscopique de l’Etat unitaire. En apparence, ils présentent une pluralité d’entités politiques autonomes, mais cette diversité apparente n’est que le produit de la démultiplication d’une même structure, respectant rigoureusement les principes de la même géométrie. Le rapport de chaque entité fédérée avec le tout est le même. Tous les Etats fédérés, ou les Landers, sont pensés de manière analogue. Il existe bien quelques exceptions, comme le statut de Porto-Rico ou les réserves indiennes, mais ces exceptions sont précisément pensées comme des dérogations par rapport à ce qui reste un modèle.

 

On assiste, depuis le début du XXe siècle, à une standardisation de la représentation de l’Etat moderne, articulé à partir de quelques principes simples. La théorie générale de l’Etat joue un rôle important dans la définition de ces standards qui structurent l’imaginaire du juriste. Or la théorie générale de l’Etat est précisément apparue, du moins sous la forme systématique que lui ont donné les grands auteurs, comme Georg Jellinek ou Raymond Carré de Malberg, au moment où les formes archaïques d’organisation de l’Etat se transforment. Avec la fin de la première guerre mondiale ont disparu des formes d’organisations politiques bizarres, comme l’Empire austro-hongrois, la Russie tsariste, l’Empire ottoman ou, même, le Second Reich, regroupant des monarchies, des grands duchés et des villes libres. Ces structures politiques ne ressemblaient pas beaucoup à ce que nous appelons des Etats parce que les entités qui les composaient étaient souvent très particulières, hétérogènes entre elles, marquées, chacune, par une histoire propre et organisées de manière à défendre des intérêts spécifiques. Mais après la Première guerre mondiale, ces structures politiques archaïques ont été balayées par l’histoire et remplacées par des Etats rationnels. Les fameuses « constitutions de professeurs », en Europe centrale, si bien analysées par Boris Mirkine-Guetzévitch[5], en dépit de leur diversité apparente (monarchiques ou républicaines) répètent les mêmes principes du parlementarisme rationalisé, de la constitutionnalisation du droit international et du contrôle de la constitutionnalité. La théorie générale de l’Etat a incontestablement joué un rôle dans l’élaboration de schémas mentaux qui servent ensuite à organiser le divers de la réalité.

 

Cette rationalisation des structures politiques a saisi l’imaginaire du juriste, qui n’a plus, dès lors, imaginé d’autres formes d’organisations politiques que l’Etat occidental. L’histoire de l’Etat, au Vingtième siècle, est en grande partie l’histoire d’une standardisation des formes d’organisation politique, qui s’accentue avec la décolonisation et prend aujourd’hui la forme de l’Etat de droit. Plus un morceau de terre n’échappe à la juridiction théorique d’un Etat. En l’espace d’un siècle, c’est un même schéma mental qui a colonisé l’imaginaire des juristes.

 

La critique du fédéralisme et les innovations asymétriques

 

L’idée fédérale a connu un véritable grand succès dans les années cinquante à soixante, avec le démembrement des empires coloniaux (essentiellement de l’empire britannique)[6]. L’idée fédérale a prospérée dans les régions d’Asie (Inde en 1950, Pakistan en 1956, Malaisie en 1963), d’Afrique (Nigeria en 1954, Rhodésie en 1953, Mali en 1959), dans les Caraïbes. Cependant, il est rapidement apparu que les Etats fédéraux fonctionnaient de fait comme des Etats unitaires, l’autonomie accordée aux entités fédérées ne permettant pas une véritable autonomie constitutionnelle. L’Etat fédéral n’est alors qu’un Etat unitaire caché[7]. Dans un article à bien des égards fondateurs des études sur l’asymétrie dans les systèmes fédéraux, Charles D. Tarlton a montré comment, dans les premières fédérations, aux Etats-Unis, en Suisse, au Canada, en Australie, on accordait les mêmes compétences aux unités constituantes[8]. Les analystes des systèmes fédéraux ont alors pris l’habitude de considérer la symétrie comme une nprme constitutionnelle. Cependant de nombreux ont justifié, dans certains Etats, une évolution de facto ou de jure vers l’asymétrie.

 

C’est à partir de la critique des dysfonctionnements du fédéralisme que l’organisation de l’Etat a recommencé à être pensé non plus comme un système qui se déploie à partir d’une théorie générale du fédéralisme, mais comme une succession de compromis empiriques. Le fédéralisme canadien, le fédéralisme belge, le régionalisme espagnol, notamment, sont nés de ces approches empiriques qui acceptent de dépasser le principe de la symétrie des compétences et de particulariser les  statuts des entités de l’Etat.

 

La reconnaissance des minorités régionales dans un Etat donné, la reconnaissance ou la formation de sociétés multiculturelles a eu des repercussions importantes sur l’organisation institutionnelle de certains Etats. « Dans le monde contemporain, écrit Michael Keating, les rapports entre territoires, identités, institutions et politiques publiques subissent des changements importants. Le vieux modèle de l’Etat uniforme (qu’il soit unitaire ou fédérale) cède la place à une réalité plus complexe et plus diversifiée, ce qui rappelle de quelque façon un monde ancien, datant d’avant la montée de l’Etat moderne[9] ».

 

De fait, l’asymétrie est devenue un thème important dans la réflexion canadienne et surtout québecoise sur l’évolution du fédéralisme. Cette asymétrie à plusieurs niveaux, constitutionnel, administratif, financier. Elle concerne l’usage des langues, l’application des règles du droit privé (existence d’un code civil au Québec)[10]

 

En Espagne, la Constitution de 1978 a organisé deux voies d’accès à l’autonomie des régions, la voie rapide pour les régions ayant une forte identité culturelle ou politique et la voie lente pour celles où cette identité est moins forte. Les régions qui ont adopté des statuts d’autonomie dès les années trente, sous la IIe République, sont éligibles pour la voie rapide (Catalogne, Pays Basque, Galicie) tandis que les autres régions peuvent accéder à une autonomie analogue, mais à condition d’en manifester fortement la volonté (ce qu’a fait l’Andalousie, la région de Valence et les Canaries).

 

En Belgique, les évolutions qui ont conduit de la forme unitaire, originelle, au fédéralisme, ont été accompagnées d’une asymétrisation progressive des compétences. L’organisation de l’Etat fédéral belge en régions et en communautés introduit une innovation dictée par le souci très pragmatique de respecter les équilibres entre les souhaits des populations flamandes et francophones, tout en maintenant un cadre étatique commun. En règle générale, un Etat fédéral ne compte qu’une seule catégorie de collectivités fédérées (Cantons, Länder). En Belgique, les collectivités fédérées sont dédoublées en deux catégories, les communautés et les régions. Les trois régions se voient reconnaître une très large autonomie législative et fiscale. Elles ont leurs propres gouvernements et leurs propres parlements, lesquels votent leurs propres impôts. Elles ont une compétence de principe sauf dans les matières réservées à l’Etat fédéral (compétences régaliennes, armée, justice) et dans les matières réservées aux Communautés (éducation, culture, politique de santé et d’aide aux personnes). Les communautés – flamande, française et germanophone – ne sont pas des entités territoriales mais des collectivités de personnes. Par exemple, selon qu’un théâtre ou un cinéma, donne des pièces ou des films en flamand, français ou allemand, il peut demander des subventions aux différentes communautés. Cette organisation fédérale n’est par ailleurs pas symétrique, puisque la Communauté et la Région flamandes ont fusionné, pour ne former qu’une seule entité, tandis que la Communauté germanophone est située sur le territoire de la Région Wallonne. La conséquence est que la Région-Communauté flamande forme un quasi-Etat, tandis que les autres régions et communautés sont davantage intégrées dans l’Etat fédéral belge[11].

 

En Grande-Bretagne, le processus de dévolution (décentralisation) engagé depuis 1998 a transformé les rapports entre les parties constituantes du Royaume-Uni, comme le montre  John Loughlin[12]. Le Parlement écossais qui avait été rattaché au Parlement de Westminster par l’Acte d’Union de 1707, en a été détaché pour former  un parlement autonome. La dévolution  a aussi affecté le Pays de Galle et l’Irlande du Nord, mais à un degré moindre, les demandes d’autonomie y étant moins fortes. La compétence du Parlement de Westminster est ainsi devenue à géométrie variable, selon les régions tandis que l’une d’entre-elle, l’Ecosse, recouvrait une part importante de son autonomie législative.

 

L’apparition de grandes métropoles, dans le cadre de la mondialisation, est un facteur d’asymétrie

 

Un autre facteur d’asymétrie semble aujourd’hui résulter de la montée en puissance des métropoles. On désigne, par ce terme générique, non seulement les villes par leur taille mais surtout leur importance dans l’économie mondiale ou dans une économie régionale.

 

La place des grandes villes dans le fonctionnement du monde a radicalement changé depuis la fin des années 80.  Autrefois, les villes structuraient les espaces nationaux. Aujourd’hui elles tendent à constituer des lieux de pouvoir autonomes, inscrits dans des réseaux, marquées par des fonctionnements en réseau. Les géographes et urbanistes ont montré comment certaines villes, les métropoles mondiales, tendent à devenir des lieux de concentration d’activités non programmables, activités complexes ou fortement relationnelles qui supposent une implication active et physique des dirigeants, des responsables et des gouvernants. L’écart se creuse entre les centres urbains qui sont bien insérés dans la mondialisation, et ceux qui n’étant pas intégrés, restent à l’écart et s’appauvrissent.

 

Les métropoles ont pour caractéristiques de concentrer une activité économique importante, des activités de recherche et de culture. Elles attirent les investisseurs et deviennent alors des ilôts de richesses dont dépend largement leur périphérie. Certaines aires urbaines entrent en concurrence avec le niveau régional de leur aire d’influence : Glasgow avec l’Ecosse, le Grand Lyon avec le département du Rhône. La métropolisation est bien souvent une situation de fait, mais il existe aussi des politiques de métropolisation pour rester compétitif dans l’économie mondiale. La métropolisation de certaines grandes villes est devenue une politique importante de l’aménagement du territoire en France, depuis 2010. Or cette politique implique une dévolution de compétences qui est un facteur d’hétérogénéité entre les villes qui bénéficient d’un statut de métropole et celles qui ne le sont pas. Il est de plus en plus fréquent que les métropoles soient soumises à des régimes spécifiques qui leur permettent de faire face à des besoins spécifiques en matière d’aménagement du territoire, de prestation de service, de capacité d’accueil.

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La création et l’aménagement de métropoles en France sont, depuis quelques années, depuis la loi du 16  décembre 2010 sur la réforme des collectivités territoriales, au cœur des politiques d’aménagement du territoire. Le rapport Balladur prévoyait d’en faire une nouvelle catégorie de collectivités territoriales. La loi de 2010 a été plus timide, puisqu’elle s’est contentée d’un statut d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Elle a cependant permis la création d’une métropole, Nice, devenue Nice-Côte d’Azur. Une loi en discussion devant le Parlement prévoit, dans les années à venir, la création de 11 métropoles : Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes, Rouen, Toulon et Montpellier. Par ailleurs des statuts métropolitains spécifiques de Paris, Lyon et Aix-Marseille sont en discussion. Afin de bien comprendre le sens des politiques en cours, il faut préciser ce qu’est une métropole.

 

Le développement des métropoles dans la mondialisation est pourtant phénomène complexe : Générateur de richesses mais aussi d’inégalités entre les territoires, de désocialisation mais de restructuration, de changement dans l’organisation économique et de délocalisation, il est surtout un mouvement qui se continue et qui semble aujourd’hui échapper en grande partie au contrôle des Etats. Mais il est bien certain qu’aucun Etat, s’il veut rester dans la course de la mondialisation, ne peut rester à l’écart de cette tendance.

 

En conclusion, le développement de l’asymétrie est une tendance corrélée à la crise et à la fin de l’Etat-nation, à la reconnaissance des minorités régionales et des peuples autochtones, à la mondialisation et la concurrence accrue qu’elle induit entre les grandes métropoles. Elle remet en question des conceptions de l’égalité hérité de la formation des Etats-nations, au profit d’intérêts très divers, comme la défense des identités traditionnelles ou la compétitivité économique mondiale. Les implications de ces évolutions sur le principe de l’égalité ne sont sans doute pas encore précisément déterminées, mais paraissent très importantes, car elles semblent accorder plus d’importance au droit à la différence qu’au principe d’égalité.

 

 

Eric Maulin

Professeur de droit public à l’Université de Strasbourg

 



[1] Emmanuel Sieyes, Qu’est-ce que le Tiers Etats, Paris, 1788, chapitre VI « Ce qui reste à faire. Développement de quelques principes ».

[2] Voir la très belle présentation, avec cartes à l’appui, disponible à l’adresse suivante :

http://revolution.1789.free.fr/decembre-1789/decembre-1789.htm

[3] J. A. Chaptal, Exposé des motifs de la loi du 28 pluviôse an VIII. Cité par Alphonse Aulard « La centralisation napoléonienne : les préfets », Révolution française, 1911, t. 61, pp. 141-164, 193-215 et 322-344.

[4] Ce que note Charles D. Talton, « Symetry and Disymetry as Elements of Federalism: a Theorical Speculation », Journal of Politics,  vol. 27, n°4, vov. 1965, pp. 861-874.

[5] Ce que montre bien la lecture des ouvrages de Boris Mirkine-Guetzevitch, Les Constitutions de l’Europe nouvelle, éd. Sirey, Paris, 1928 et Les nouvelles tendances du droit constitutionnel, L.G.D.J., Paris, 1936. Voir aussi, de Michael Keating, « Principes et problèmes du gouvernement asymétrique », Politique et Sociétés, vol. 17, n°3, 1998, p. 93-111.

[6] Ronald L. Watts, « Les principales tendances du fédéralisme au XXe siècle », Revue internationale de politique comparée, 2003/1, vol. 10, « Le fédéralisme à la fin du XXe siècle ».

[7] Carl J. Friedrich parle de « unitary federal state » in Trends of Federalism in Theory and Practice, New York, Frederick A. Praeger, 1968, 193p.

[8] Charles D. Talton, « Symetry and Disymetry as Elements of Federalism: a Theorical Speculation », Journal of Politics,  vol. 27, n°4, vov. 1965, pp. 861-874. Voir aussi de Réjean Pelletier, « L’asymétrie dans une fédération multinationale : le cas canadien », in Le fédéralisme, le Québec et es minorités francophones du Canada, Université d’Otawa, 2006, p. 4, disponible en ligne à l’adresse : http://www.socialsciences.uottawa.ca/crfpp/pdf/mars2006/R_Pelletier.pdf

[9] Michael Keating, art. cit. p. 109. Voir aussi Ronald L. Watts, « Les principales tendances du fédéralisme au XXe siècle », Revue internationale de politique comparée, 2003/1, vol. 10, pp. 11-18.

[10] On peut renvoyer, pour le détail des mesures, à l’article de Réjean Pelletier, cité dans la note précédente.

[11] Claire Barthélémy, Le régionalisme institutionnel en Europe, éd. de l’Harmattan, Paris, 2009, 431 p. ; de Michael Keating, « Principes et problèmes du gouvernement asymétrique », Politique et Sociétés, vol. 17, n°3, 1998, p. 93-111.

[12] John Loughlin, « Refaire l’Union, la dévolution britannique », Ceras - revue Projet n°297, Mars 2007. URL : http://www.ceras-projet.com/index.php?id=633

 

 

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