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Cercle Colbert

  • Débat du Cercle Colbert du 2 octobre 2018 sur la décentralisation économique

     

    Nous sommes heureuxde vous inviter à un débat sur la décentralisation économique qui aura lieu le 2 octobre 2018 à la mairie du 13e arrondissement de Paris à 17h, incriptions obligatoires sur Colbert2octobre18@gmail.com 

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  • soirée 31 janvier 2018 " crises de la ville, futurs de l'urbain"

    Le Cercle Colbert et ses partenaires organisent le 31 janvier 2018 une soirée débat autour du thème " crises de la ville, futurs de l'urbain".

    l'ensemble du déroulé et des intervenant de cette conférence sont disponibles dans la pièce ci-jointe.

    Invitation_A5_print.pdf

  • Cercle Colbert 23 septembre: Une réforme est-elle possible en France? A quelle condition

    • Un sujet régulièrement remis à l’ordre du jour : Mythe de Sisyphe

    1964 - 1971 – 1982 – 1989 – 1992 – 2006 – 2009 – 2014

     

    • Une sujet qui transcende les familles politiques et les divise :

    1978 : Marc BECAM

    1982 : Gaston DEFERRE

    Régions : Gauche (72) –

    Département : Droite

    2003 : RAFARIN régionalise

     

    • Des tabous :

    - La commune (cf. ex étrangers)

    - La critique du mille-feuille Le département

    - Le principe d’égalité

     

    1)      Pourquoi la réforme territoriale apparaît elle impossible ?

     

    • Le poids de l’Histoire et la culture Française

    • Une culture centralisatrice et Jacobine

    • Royauté : la construction du royaume face aux forces centripètes

    • Révolution française contre les Provinces et l’ancien régime et les divergences des départements

    • Empire : la structure territoriale sert d’appui au régime

    • République : la dualité commune (grandes lois du XIXème) et départements

     

    Le souci est le même :

    - Unité de la France, égalité, diffusion de l’information et des règles du haut vers le bas(descendant)

     

    Tout cela, un héritage fort :

    - Département, patrimoine français (ex : plaques numérologiques en 2007)

    - La Commune en référence : Le maire seul politique apprécié des français

    C’est aussi un besoin face à la globalisation et à la mondialisation : Besoin de repères territoriaux, Besoin de proximité

     

    2)      Une configuration politique défavorable au changement

     

    Chacun a son appréciation.

    - Pas de projet porté sans ambiguïté par une majorité de droite ou de gauche

    - Ou se réfugie dans le discours pour éviter de passer à l’action

    Le déni d’initié.

    - Les parlementaires sont aussi Président de Conseil Général ou Régional, ou maire.

     

    D’où conflits d’intérêts

    - Le Sénat prioritaire pour examiner le texte (Révision de la Constitution en 2006) or le mode de scrutin des Sénateurs favorise la protection des Communes (cf. élections sénatoriales de 2011)

    - La succession des élections dans le temps. Aucune modification un an avant le scrutin, crainte des sortants : des bouleversements non digérés par les électeurs (cf. passage à gauche du Sénat en 2011)

     

    3)      Des prémisses contestables et un raisonnement faussé

     

    On raisonne : fin du mille-feuille, on pense : limites territoriales

    On pense : quantitatif, on oublie : le qualitatif

    On joue les rapports de force et d’influence et non le service rendu aux citoyens.

    - Le mille-feuille :

    Ce n’est pas le point de départ, le bon angle d’attaque.

    Quelle est l’efficience du SP ?

    Comment l’organiser pour donner satisfaction aux habitants au meilleur coût ?

    Ce n’est pas une économie qui est recherchée mais la lutte contre le gaspillage.

    Ce ne sont pas le nombre des échelons, la répartition des pouvoirs entre différents responsables qui sont à combattre en priorité. C’est l’examen de la capacité de chaque échelon à reprendre aux besoins, de manière rapide et économe.

     

    Ce sont les doublons inutiles, coûteux en personnel et en temps qu’il faut éliminer

     

    - L’exemple de la Clause Générale de compétence :

    o multiplication des mêmes services à chaque niveau

    o concurrence entre les collectivités

    o encouragement des équipements obsolètes et coûteux

    o délais allongés pour examens successifs

     

    Il faut lui substituer ce que j’appelle une clause de compétence raisonnée :

    - Compétence unique pour certaines politiques ou certaines missions

    - Compétence durable pour d’autres :

    Ex : politique culturelle – politique sportive, Interco / État – Commune / État, Economie : Région / État

    - Analyser les blocs de compétences

    - Développer les outils de la Constitution révisée en 2006 (ex : Chef de filât)

    - Introduire les notions de services partagés

    - Relire les compétences en fonction du besoin de proximité d’une part (communeinterco) et du besoin de cohérence (Région-État)

    - Le principe d’égalité : principe fondamental certes mais mal appliqué car il y a confusion entre égalité et égalitarisme

     

    Traiter tout le territoire de manière semblable au plan institutionnel c’est nier les différences

    o géographiques (plaine, montagne, maritime),

    o sociales (zones d’exclusion, de chômage, difficulté pour la formation)

    o économiques (développement, atouts, démographie) c’est faire fi de la ruralité et de l’urbain.

     

    La structuration du territoire doit tenir compte de ces territoires pour leur donner le maximum de chances de se développer harmonieusement et tendre vers une plus grande égalité dans la qualité et non la quantité. C’est la fin du mythe Jacobin dans sa vision restrictive.

    - La dichotomie entre réforme territoriale des collectivités territoriales et réforme de l’État territorial

    o Les élus s’intéressent aux collectivités et attendent les services de l’État sans associer les 2 réformes : ex. 2006-2008 où j’ai contribué à engager les deux en parallèle mais avec difficultés.

    o S’inscrire dans une logique de co responsabilité et non de confrontation (82)

    o Vivre l’objectif commun afin de satisfaire les attentes du citoyen

     

    4)      OUI, une réforme territoriale est possible pour demain

     

    Prendre en compte les objections ci-dessous :

     

    a) au plan politique :

    o début du mandat présidentiel pour bénéficier de la légitimité récemment acquise

    o engagement du niveau politique le plus élevé

    o En raison de la complexité, des divergences d’intérêt, agir par ordonnances.

    o Être pédagogue du projet arrêté, des choix retenus et appliquer rapidement ensuite lorsque la décision est prise

     

    b) sur les points déterminants :

    o Favoriser le couple Interco - commune pour les politiques sociales qui touchent directement les habitants et nécessitent une proximité pour être efficace (voire aussi pour le sport et la culture)

    o Favoriser la Région pour l’aménagement, l’économie, la formation, la mobilité (transport internet…), l’aménagement du territoire

    o Fonder les Régions avec au moins une voire deux métropoles. Analyser les organisations des entreprises privées, la capacité à lever des capitaux pour dynamiser les entreprises, la cohérence culturelle du territoire, l’ouverture sur le maritime ou le fluvial, bref une analyse multicritères qui devraient conduire entre 7 et 10 Régions en France.

    o L’État plus fort sur ses compétences régaliennes (sécurité, armée, justice), plus expert pour accompagner les grands investissements, les grands projets, plus à même d’assurer une vraie péréquation en fonction des projets menés par les collectivités et non à titre principal sur les dépenses de fonctionnement

     

    Dans cette esquisse, le département sans disparaître se fond dans les Métropole (ex : Lyon), la

    Région Métropole (ex : Alsace)

     

    On fusionne dans une grande Interco dans les zones les plus rurales, ou enfin certaines de ses compétences sont reprises par les Interco ou par une Agence Régionale de cohésion sociale.

     

    Conclusion :

    Les réformes territoriales entreprises au cours des années récentes ont été partielles, partiales et toujours incomplètes. Les intérêts de chacun y compris des parlementaires, le manque de courage des gouvernants, la faible appétence pour les réformes administratives ont abouti à des choix inaboutis. Alors une réforme territoriale puissante est-elle possible en France ?

     

    Sans doute sans l’effet de la nécessité, elle se fera si le courage des gouvernants est enfin au rendez-vous !

     

     

    Daniel CANÉPA

  • Cercle Colbert 23 septembre: Asymétrie des compétences et reterritorialisation du droit

    La théorie de l’Etat privilégie une conception symétrique de la structure de l’Etat unitaire comme de l’Etat fédéral, c’est-à-dire une structure où le rapport de chacune des parties de l’Etat (départements, régions, Etats fédérés) avec le centre est la même, une structure en « toile d’araignée ». Cependant, depuis la fin des années soixante les revendications des minorités nationales, régionales ou autochtones conduisent à remettre en question cette conception trop rigide de l’Etat. Une attention plus grande est portée aux phénomènes d’asymétrie institutionnelle qui permettent de reconnaître des intérêts spécifiques à certaines composantes de l’Etat. Ce phénomène est accentué, depuis le début des années quatre-vingt-dix avec le développement des métropoles.

     

     

    Le développement de l’Etat, dont le principe est la souveraineté, a été un puissant moyen de rationalisation et d’homogénéisation du droit. La régression de la coutume, la codification du droit, l’affirmation du principe de l’égalité devant la loi ont conduit à la neutralisation privilèges, des lois particulières, des droits régionaux. La centralisation, en France, en est l’expression la plus marquante, mais la décentralisation ou le fédéralisme obéissent à une même logique, que l’on peut ici qualifier de symétrique. L’imaginaire symétrique habite la théorie générale de l’Etat qui s’efforce de dégager des modèles à partir de la sélection des faits pertinents, eux-mêmes choisis en fonction des présupposés de l’imaginaire symétrique. Les enseignements tirés de certains échecs de la décolonisation, la reconnaissance des droits des minorités régionales ou autochtones, ont cependant conduit à critiquer des formes d’Etat trop rigides et à introduire des formes d’asymétries propres à reconnaître la spécificité de certaines situations, les intérêts propres de certains groupes, ou leur faculté d’autodétermination. Le mouvement historique de la formation de l’Etat, depuis le XVIIe siècle, est dominé par les forces de la déterritorialisation (lutte contre les conceptions féodales) et de la reterritorialisation (promotion de l’Etat-nation). Mais le mouvement historique de la mondialisation remet en question la territorialité de l’Etat-nation, en reconnaissant notamment le droit des minorités régionales ou en favorisant la reconnaissance d’un statut spécial pour les grands pôles de l’économie mondiale que sont les métropoles.

     

    La théorie générale de l’Etat, vecteur de l’imaginaire symétrique

     

    L’ordre institutionnel et juridique a souvent été pensé, en France, selon un axe de symétrie à partir duquel s’articlulent les relais de la loi, depuis l’Etat central jusqu’aux communes, en passant par les départements.  Le schéma de cette symétrie est en quelque sorte donné par Sieyès lorsqu’il imagine, dans Qu’est-ce que le tiers Etat ?, une sphère dont le centre est la loi, rayonnant également vers tous les citoyens, placés à sa circonférence : « Je me figure la loi au centre d’un globe immense ; tous les citoyens sans exception sont à même distance sur la circonférence et n’y occupent que des places égales ; tous dépendent également de la loi, tous lui offrent leur liberté et leur propriété à protéger ; et c’est ce que j’appelle les droits communs des citoyens, par où ils se ressemblent tous. Tous ces individus correspondent entre eux, ils négocient, ils s’engagent les uns envers les autres, toujours sous la garantie commune de la loi »[1]. Un schéma analogue commande l’aménagement du territoire dans le projet présenté par Sieyès et Thouret, le 27 septembre 1789, à l’Assemblée nationale. Il est alors question d’organiser géométriquement la France en 80 départements, sans compter Paris. Chaque département devra former un carré de 18 lieues de côté (70 Km) et chaque carré, à son tour, sera fractionné en 9 districts de 6 lieues de côté, eux-mêmes encore fractionnés en 9 cantons de 4 lieues de côté. Chaque canton comptera en moyenne 680 citoyens actifs, lesquels constitueront l'assemblée primaire des cantons. A la tête de chacun de ces départements une assemblée départementale sera constituée de 81 membres. Chacun de ces membres versera une contribution égale à dix journées de travail et sera choisi en fonction du territoire, de la population et des impôts directs. Le rôle principal des assemblées départementales consistera à nommer les députés à l'Assemblée nationale, à raison de 9 députés par département soit 720 députés nationaux[2].  Il faut noter que ce projet n’organise pas seulement le territoire de manière géométrique mais répartit de manière homogène la population dans les départements et les communes. La différence des villes et des campagnes, qui était sans doute moins forte au XVIIIe siècle qu’aujourd’hui, est estompée encore par cette répartition.  Le projet n’a finalement pas été retenu, mais le principe de l’organisation géométrique, le respect des axes de symétrie, est resté avec l’institution du département et du préfet. En 1800, Chaptal et Roederer imaginent en effet la constitution administrative de la France selon un schéma encore une fois analogue. Dans un avant-projet à la loi du 28 pluviôse an VIII, concernant « la division du territoire de la République et l'administration » (17 février 1800), évoquant le rôle des futurs préfets dans la répercussion des ordres du Premier consul, ils usent de l’image saisissante du fluide électrique irisant simultanément les confins de l’ordre social:  « Le préfet, essentiellement occupé de l'exécution, transmet les ordres au sous-préfet, celui-ci aux maires des villes, bourgs et villages ; de manière que la chaîne d'exécution descend sans  interruption du ministre à l'administré, et transmet la loi et les ordres du gouvernement jusqu'aux dernières ramifications de l'ordre social avec la rapidité du fluide électrique jusqu'au dernier  élément du corps social »[3].  La vitesse de propagation de l’ordre abolit les contraintes géographiques : les montagnes et les vallées n’offrent théoriquement pas de résistance à la propagation électrique des ordres impérieux et bientôt impériaux.

     

    Ces trois exemples illustrent, jusqu’à la caricature peut être, une conception rationnelle de l’Etat où le fluide juridique irise simultanément tous lieux du territoire de l’Etat. On y retrouve toujours cette même structure, en araignée, organisée à partir d’un point central. Mais le principe de symétrie n’est pas propre au seul Etat centralisé, il ne disparaît pas avec la décentralisation. Celle-ci a été pensée, en France, avec les mêmes outils conceptuels : les départements et les régions compris à présent comme des collectivités territoriales, sont organisés à partir d’un même schéma indéfiniment répété. Aux confins de l’Etat, il est vrai, on aménage des exceptions, en Corse, en Outre-mer mais, précisément, ces aménagements sont pensés comme des exceptions. La norme reste la symétrie.20131113_CERCLE_COLBERT_0044.jpg

     

    L’Etat fédéral diffère-t-il fondamentalement de ce schéma ? A bien des égards les Etats fédéraux par associations, comme les Etats-Unis d’Amérique ou l’Allemagne fédérale, sont pensés selon un principe de symétrie[4]. Ils sont, pour prendre une image, la version kaléidoscopique de l’Etat unitaire. En apparence, ils présentent une pluralité d’entités politiques autonomes, mais cette diversité apparente n’est que le produit de la démultiplication d’une même structure, respectant rigoureusement les principes de la même géométrie. Le rapport de chaque entité fédérée avec le tout est le même. Tous les Etats fédérés, ou les Landers, sont pensés de manière analogue. Il existe bien quelques exceptions, comme le statut de Porto-Rico ou les réserves indiennes, mais ces exceptions sont précisément pensées comme des dérogations par rapport à ce qui reste un modèle.

     

    On assiste, depuis le début du XXe siècle, à une standardisation de la représentation de l’Etat moderne, articulé à partir de quelques principes simples. La théorie générale de l’Etat joue un rôle important dans la définition de ces standards qui structurent l’imaginaire du juriste. Or la théorie générale de l’Etat est précisément apparue, du moins sous la forme systématique que lui ont donné les grands auteurs, comme Georg Jellinek ou Raymond Carré de Malberg, au moment où les formes archaïques d’organisation de l’Etat se transforment. Avec la fin de la première guerre mondiale ont disparu des formes d’organisations politiques bizarres, comme l’Empire austro-hongrois, la Russie tsariste, l’Empire ottoman ou, même, le Second Reich, regroupant des monarchies, des grands duchés et des villes libres. Ces structures politiques ne ressemblaient pas beaucoup à ce que nous appelons des Etats parce que les entités qui les composaient étaient souvent très particulières, hétérogènes entre elles, marquées, chacune, par une histoire propre et organisées de manière à défendre des intérêts spécifiques. Mais après la Première guerre mondiale, ces structures politiques archaïques ont été balayées par l’histoire et remplacées par des Etats rationnels. Les fameuses « constitutions de professeurs », en Europe centrale, si bien analysées par Boris Mirkine-Guetzévitch[5], en dépit de leur diversité apparente (monarchiques ou républicaines) répètent les mêmes principes du parlementarisme rationalisé, de la constitutionnalisation du droit international et du contrôle de la constitutionnalité. La théorie générale de l’Etat a incontestablement joué un rôle dans l’élaboration de schémas mentaux qui servent ensuite à organiser le divers de la réalité.

     

    Cette rationalisation des structures politiques a saisi l’imaginaire du juriste, qui n’a plus, dès lors, imaginé d’autres formes d’organisations politiques que l’Etat occidental. L’histoire de l’Etat, au Vingtième siècle, est en grande partie l’histoire d’une standardisation des formes d’organisation politique, qui s’accentue avec la décolonisation et prend aujourd’hui la forme de l’Etat de droit. Plus un morceau de terre n’échappe à la juridiction théorique d’un Etat. En l’espace d’un siècle, c’est un même schéma mental qui a colonisé l’imaginaire des juristes.

     

    La critique du fédéralisme et les innovations asymétriques

     

    L’idée fédérale a connu un véritable grand succès dans les années cinquante à soixante, avec le démembrement des empires coloniaux (essentiellement de l’empire britannique)[6]. L’idée fédérale a prospérée dans les régions d’Asie (Inde en 1950, Pakistan en 1956, Malaisie en 1963), d’Afrique (Nigeria en 1954, Rhodésie en 1953, Mali en 1959), dans les Caraïbes. Cependant, il est rapidement apparu que les Etats fédéraux fonctionnaient de fait comme des Etats unitaires, l’autonomie accordée aux entités fédérées ne permettant pas une véritable autonomie constitutionnelle. L’Etat fédéral n’est alors qu’un Etat unitaire caché[7]. Dans un article à bien des égards fondateurs des études sur l’asymétrie dans les systèmes fédéraux, Charles D. Tarlton a montré comment, dans les premières fédérations, aux Etats-Unis, en Suisse, au Canada, en Australie, on accordait les mêmes compétences aux unités constituantes[8]. Les analystes des systèmes fédéraux ont alors pris l’habitude de considérer la symétrie comme une nprme constitutionnelle. Cependant de nombreux ont justifié, dans certains Etats, une évolution de facto ou de jure vers l’asymétrie.

     

    C’est à partir de la critique des dysfonctionnements du fédéralisme que l’organisation de l’Etat a recommencé à être pensé non plus comme un système qui se déploie à partir d’une théorie générale du fédéralisme, mais comme une succession de compromis empiriques. Le fédéralisme canadien, le fédéralisme belge, le régionalisme espagnol, notamment, sont nés de ces approches empiriques qui acceptent de dépasser le principe de la symétrie des compétences et de particulariser les  statuts des entités de l’Etat.

     

    La reconnaissance des minorités régionales dans un Etat donné, la reconnaissance ou la formation de sociétés multiculturelles a eu des repercussions importantes sur l’organisation institutionnelle de certains Etats. « Dans le monde contemporain, écrit Michael Keating, les rapports entre territoires, identités, institutions et politiques publiques subissent des changements importants. Le vieux modèle de l’Etat uniforme (qu’il soit unitaire ou fédérale) cède la place à une réalité plus complexe et plus diversifiée, ce qui rappelle de quelque façon un monde ancien, datant d’avant la montée de l’Etat moderne[9] ».

     

    De fait, l’asymétrie est devenue un thème important dans la réflexion canadienne et surtout québecoise sur l’évolution du fédéralisme. Cette asymétrie à plusieurs niveaux, constitutionnel, administratif, financier. Elle concerne l’usage des langues, l’application des règles du droit privé (existence d’un code civil au Québec)[10]

     

    En Espagne, la Constitution de 1978 a organisé deux voies d’accès à l’autonomie des régions, la voie rapide pour les régions ayant une forte identité culturelle ou politique et la voie lente pour celles où cette identité est moins forte. Les régions qui ont adopté des statuts d’autonomie dès les années trente, sous la IIe République, sont éligibles pour la voie rapide (Catalogne, Pays Basque, Galicie) tandis que les autres régions peuvent accéder à une autonomie analogue, mais à condition d’en manifester fortement la volonté (ce qu’a fait l’Andalousie, la région de Valence et les Canaries).

     

    En Belgique, les évolutions qui ont conduit de la forme unitaire, originelle, au fédéralisme, ont été accompagnées d’une asymétrisation progressive des compétences. L’organisation de l’Etat fédéral belge en régions et en communautés introduit une innovation dictée par le souci très pragmatique de respecter les équilibres entre les souhaits des populations flamandes et francophones, tout en maintenant un cadre étatique commun. En règle générale, un Etat fédéral ne compte qu’une seule catégorie de collectivités fédérées (Cantons, Länder). En Belgique, les collectivités fédérées sont dédoublées en deux catégories, les communautés et les régions. Les trois régions se voient reconnaître une très large autonomie législative et fiscale. Elles ont leurs propres gouvernements et leurs propres parlements, lesquels votent leurs propres impôts. Elles ont une compétence de principe sauf dans les matières réservées à l’Etat fédéral (compétences régaliennes, armée, justice) et dans les matières réservées aux Communautés (éducation, culture, politique de santé et d’aide aux personnes). Les communautés – flamande, française et germanophone – ne sont pas des entités territoriales mais des collectivités de personnes. Par exemple, selon qu’un théâtre ou un cinéma, donne des pièces ou des films en flamand, français ou allemand, il peut demander des subventions aux différentes communautés. Cette organisation fédérale n’est par ailleurs pas symétrique, puisque la Communauté et la Région flamandes ont fusionné, pour ne former qu’une seule entité, tandis que la Communauté germanophone est située sur le territoire de la Région Wallonne. La conséquence est que la Région-Communauté flamande forme un quasi-Etat, tandis que les autres régions et communautés sont davantage intégrées dans l’Etat fédéral belge[11].

     

    En Grande-Bretagne, le processus de dévolution (décentralisation) engagé depuis 1998 a transformé les rapports entre les parties constituantes du Royaume-Uni, comme le montre  John Loughlin[12]. Le Parlement écossais qui avait été rattaché au Parlement de Westminster par l’Acte d’Union de 1707, en a été détaché pour former  un parlement autonome. La dévolution  a aussi affecté le Pays de Galle et l’Irlande du Nord, mais à un degré moindre, les demandes d’autonomie y étant moins fortes. La compétence du Parlement de Westminster est ainsi devenue à géométrie variable, selon les régions tandis que l’une d’entre-elle, l’Ecosse, recouvrait une part importante de son autonomie législative.

     

    L’apparition de grandes métropoles, dans le cadre de la mondialisation, est un facteur d’asymétrie

     

    Un autre facteur d’asymétrie semble aujourd’hui résulter de la montée en puissance des métropoles. On désigne, par ce terme générique, non seulement les villes par leur taille mais surtout leur importance dans l’économie mondiale ou dans une économie régionale.

     

    La place des grandes villes dans le fonctionnement du monde a radicalement changé depuis la fin des années 80.  Autrefois, les villes structuraient les espaces nationaux. Aujourd’hui elles tendent à constituer des lieux de pouvoir autonomes, inscrits dans des réseaux, marquées par des fonctionnements en réseau. Les géographes et urbanistes ont montré comment certaines villes, les métropoles mondiales, tendent à devenir des lieux de concentration d’activités non programmables, activités complexes ou fortement relationnelles qui supposent une implication active et physique des dirigeants, des responsables et des gouvernants. L’écart se creuse entre les centres urbains qui sont bien insérés dans la mondialisation, et ceux qui n’étant pas intégrés, restent à l’écart et s’appauvrissent.

     

    Les métropoles ont pour caractéristiques de concentrer une activité économique importante, des activités de recherche et de culture. Elles attirent les investisseurs et deviennent alors des ilôts de richesses dont dépend largement leur périphérie. Certaines aires urbaines entrent en concurrence avec le niveau régional de leur aire d’influence : Glasgow avec l’Ecosse, le Grand Lyon avec le département du Rhône. La métropolisation est bien souvent une situation de fait, mais il existe aussi des politiques de métropolisation pour rester compétitif dans l’économie mondiale. La métropolisation de certaines grandes villes est devenue une politique importante de l’aménagement du territoire en France, depuis 2010. Or cette politique implique une dévolution de compétences qui est un facteur d’hétérogénéité entre les villes qui bénéficient d’un statut de métropole et celles qui ne le sont pas. Il est de plus en plus fréquent que les métropoles soient soumises à des régimes spécifiques qui leur permettent de faire face à des besoins spécifiques en matière d’aménagement du territoire, de prestation de service, de capacité d’accueil.

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    La création et l’aménagement de métropoles en France sont, depuis quelques années, depuis la loi du 16  décembre 2010 sur la réforme des collectivités territoriales, au cœur des politiques d’aménagement du territoire. Le rapport Balladur prévoyait d’en faire une nouvelle catégorie de collectivités territoriales. La loi de 2010 a été plus timide, puisqu’elle s’est contentée d’un statut d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Elle a cependant permis la création d’une métropole, Nice, devenue Nice-Côte d’Azur. Une loi en discussion devant le Parlement prévoit, dans les années à venir, la création de 11 métropoles : Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes, Rouen, Toulon et Montpellier. Par ailleurs des statuts métropolitains spécifiques de Paris, Lyon et Aix-Marseille sont en discussion. Afin de bien comprendre le sens des politiques en cours, il faut préciser ce qu’est une métropole.

     

    Le développement des métropoles dans la mondialisation est pourtant phénomène complexe : Générateur de richesses mais aussi d’inégalités entre les territoires, de désocialisation mais de restructuration, de changement dans l’organisation économique et de délocalisation, il est surtout un mouvement qui se continue et qui semble aujourd’hui échapper en grande partie au contrôle des Etats. Mais il est bien certain qu’aucun Etat, s’il veut rester dans la course de la mondialisation, ne peut rester à l’écart de cette tendance.

     

    En conclusion, le développement de l’asymétrie est une tendance corrélée à la crise et à la fin de l’Etat-nation, à la reconnaissance des minorités régionales et des peuples autochtones, à la mondialisation et la concurrence accrue qu’elle induit entre les grandes métropoles. Elle remet en question des conceptions de l’égalité hérité de la formation des Etats-nations, au profit d’intérêts très divers, comme la défense des identités traditionnelles ou la compétitivité économique mondiale. Les implications de ces évolutions sur le principe de l’égalité ne sont sans doute pas encore précisément déterminées, mais paraissent très importantes, car elles semblent accorder plus d’importance au droit à la différence qu’au principe d’égalité.

     

     

    Eric Maulin

    Professeur de droit public à l’Université de Strasbourg

     



    [1] Emmanuel Sieyes, Qu’est-ce que le Tiers Etats, Paris, 1788, chapitre VI « Ce qui reste à faire. Développement de quelques principes ».

    [2] Voir la très belle présentation, avec cartes à l’appui, disponible à l’adresse suivante :

    http://revolution.1789.free.fr/decembre-1789/decembre-1789.htm

    [3] J. A. Chaptal, Exposé des motifs de la loi du 28 pluviôse an VIII. Cité par Alphonse Aulard « La centralisation napoléonienne : les préfets », Révolution française, 1911, t. 61, pp. 141-164, 193-215 et 322-344.

    [4] Ce que note Charles D. Talton, « Symetry and Disymetry as Elements of Federalism: a Theorical Speculation », Journal of Politics,  vol. 27, n°4, vov. 1965, pp. 861-874.

    [5] Ce que montre bien la lecture des ouvrages de Boris Mirkine-Guetzevitch, Les Constitutions de l’Europe nouvelle, éd. Sirey, Paris, 1928 et Les nouvelles tendances du droit constitutionnel, L.G.D.J., Paris, 1936. Voir aussi, de Michael Keating, « Principes et problèmes du gouvernement asymétrique », Politique et Sociétés, vol. 17, n°3, 1998, p. 93-111.

    [6] Ronald L. Watts, « Les principales tendances du fédéralisme au XXe siècle », Revue internationale de politique comparée, 2003/1, vol. 10, « Le fédéralisme à la fin du XXe siècle ».

    [7] Carl J. Friedrich parle de « unitary federal state » in Trends of Federalism in Theory and Practice, New York, Frederick A. Praeger, 1968, 193p.

    [8] Charles D. Talton, « Symetry and Disymetry as Elements of Federalism: a Theorical Speculation », Journal of Politics,  vol. 27, n°4, vov. 1965, pp. 861-874. Voir aussi de Réjean Pelletier, « L’asymétrie dans une fédération multinationale : le cas canadien », in Le fédéralisme, le Québec et es minorités francophones du Canada, Université d’Otawa, 2006, p. 4, disponible en ligne à l’adresse : http://www.socialsciences.uottawa.ca/crfpp/pdf/mars2006/R_Pelletier.pdf

    [9] Michael Keating, art. cit. p. 109. Voir aussi Ronald L. Watts, « Les principales tendances du fédéralisme au XXe siècle », Revue internationale de politique comparée, 2003/1, vol. 10, pp. 11-18.

    [10] On peut renvoyer, pour le détail des mesures, à l’article de Réjean Pelletier, cité dans la note précédente.

    [11] Claire Barthélémy, Le régionalisme institutionnel en Europe, éd. de l’Harmattan, Paris, 2009, 431 p. ; de Michael Keating, « Principes et problèmes du gouvernement asymétrique », Politique et Sociétés, vol. 17, n°3, 1998, p. 93-111.

    [12] John Loughlin, « Refaire l’Union, la dévolution britannique », Ceras - revue Projet n°297, Mars 2007. URL : http://www.ceras-projet.com/index.php?id=633

     

     

  • Cercle Colbert 23 septembre : réaction de monsieur Paul Vermeylen

    Intervenant en fin de rencontre, et invité à la concision, je mettrai l’accent sur quatre enjeux. Ils sont inspirés par la question sous-jacente aux exposés de ce soir sur l’évolution des institutions territoriales : quelle en est l’efficacité pour le développement notamment économique ?

     

    Un, pourquoi une sorte de « Ligue 1 » des métropoles émerge-t-elle en Europe depuis quelques décennies ? Pourquoi toujours les mêmes (Copenhague, Barcelone, Hambourg, …) sont-elles hissées sur les podiums ? Principalement parce que la croissance économique s’y trouve à un niveau largement supérieur aux PIB nationaux (140 à 180% pour les grandes métropoles de l’Europe des 15). « Moteurs des territoires », elles concentrent aussi la croissance démographique, la concentration des talents, … ainsi que les stratégies partagées et les récits sociétaux nouveaux. Alors, le balancier des rapports entre entités (Europe, Etats, régions et municipalités) est en mouvement : car qui peut se priver de ses champions ? Dès lors, les compétences et les capacités d’action des métropoles et des régions ne cessent de s’élargir dans la plupart des pays, et ce depuis une trentaine d’années.

     

    Deux, mais quel est l’échelon réellement concerné : la région ou la métropole ? J’observe que les « moteurs » sont des territoires adaptés aux activités économiques, et que les « métropoles » sont de fait des aires métropolitaines, que l’on appelle selon le pays où on se trouve des régions métropolitaines, des Citta Metropoli, des aires métropolitaines, les métrorégions, …. Il s’agit de larges territoires, qui englobent à la fois la grande ville, de petites ou moyennes villes situées parfois à une centaine de km , les espaces interstitiels ou à la frange de ceux-ci. A ce stade, la réforme française prend plutôt mal en compte la nécessité de faire émerger de puissantes aires métropolitaines. Ironie, aucun découpage en Europe n’est parfaitement efficace, car les dynamiques socioéconomiques conduisent sans cesse à développer de nouvelles échelles de gouvernance et de mise en œuvre stratégique (l’exemple des régions métropolitaines en Allemagne et aux Pays-Bas est à cet égard parlant : moteurs oui, mais non pas instances institutionnelles). La coopération avec les acteurs publics et privés est donc le maitre-mot, l’agilité à nouer des alliances, la valeur cardinale.

     

    Trois, dans la dynamique générale européenne, s’agit-il d’autonomie ou de décentralisation ? Le récent référendum écossais, le projet de référendum en Catalogne, les résultats électoraux en Belgique, en Autriche, en Italie soulignent un versant, qui me semble dominant dans cette phase : l’autonomie de territoires qui ont foi en leur destinée, face aux échecs ou impuissances de l’Europe et des Etats. Alors les Etats soumis à ces dynamiques doivent s’adapter, et proposer des formes de décentralisation qui par moment ressemblent étrangement à de l’autonomie. A cet égard, la France aurait sans doute à dépasser deux freins qui ne sont pas à l’agenda aujourd’hui, contrairement à ce que l’on observe ailleurs en Europe : la réduction drastique du nombre de collectivités ; et la fin ou la réduction de l’incohérence créée par la « double colonne d’action » que représente les niveaux des collectivités et de l’Etat (en région, en département).

     

    Quatre, pourquoi faire ? Quelle serait la nouvelle responsabilité de la métropole dans l’essor économique ? Au cœur des stocks et des flux, les grandes villes assurent les liens et accueillent : leurs stratégies ont été de proposer aux entreprises des aires industrielles, des centres commerciaux, des centres d’affaires. Mais aujourd’hui, elles déploient une nouvelle dimension : celle de stimuler la créativité tous azimuts, en s’appuyant sur les fonctions socles qui se concentrent sur leur territoire : l’apprentissage, l’innovation sociale, la recherche publique, centres de décision,  circuits courts alimentaires, etc.  Elles incitent à dépasser sans cesse les frontières entre secteurs, à créer des ponts. Cette sortie de la logique des silos a besoin de la ville, car le frottement créateur y bénéficie de la densité et de la fluidité des contacts et des flux qui y sont associés. A cette fin, les métropoles créatives activent sans cesse la fertilisation croisée entre ces fonctions ; elles participent avec leurs entreprises à identifier les nouvelles demandes sociétales, contribuant à l’émergence de nouveaux couples produit-service basés sur des innovations de rupture. La valeur cardinale est donc la créativité, en lien avec la coopération agile et la valorisation du capital social.

     

    L’efficacité économique n’est pas seule en cause. Les valeurs de la solidarité et de la durabilité s’expriment tout autant : les métropoles sont les acteurs d’un second pilier de la solidarité, basé sur les liens de proximité favorisant l’inclusion sociale ; elles sont aussi les acteurs de la mise en œuvre du développement durable par les ressources et les territoires qu’elles gèrent.

     

     

    En définitive, quelle sera la cohérence d’action des acteurs publics français ? Je crois beaucoup à la dynamique des « conférences territoriale de l’action publique » prévues par la loi, davantage que la décision imposée par le haut relative à la spécialisation des compétences des uns et des autres. La cohérence est un état d’esprit, augurons que celui-ci évolue dans l’écoute et le dialogue.

  • Cercle Colbert 23 septembre: organisation territoriale de nos voisins européens

    FRANCE, ALLEMAGNE, ESPAGNE, ITALIE, BELGIQUE, GRANDE BRETAGNE, RUSSIE 

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       Professeur Lasserre  Professeur Maulin  Préfet Canepa

     

    France_Regions_reforme_territoriale-620x595.pngLa prochaine réunion du groupe de travail "Avenir des collectivités" du Cercle Colbert aura lieu le mardi 23 septembre 2014 entre 18h et 20h au Traveler's club. Nous nous intéresserons aux organisations territoriales de nos voisins européens pour essayer d'en tirer des enseignements pour la France.

    1) Professeur Eric Maulin de l'université de Strasbourg: "Autonomie des régions et réformes territoriales en Espagne, Italie, Belgique et Grande Bretagne."

    2) Professeur René Lasserre, professeur à l'université de Cergy-Pontoise et directeur du centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine: "Les réformes territoriales en Allemagne".

    3) Arkadi Sytine, docteur en sciences sociales, spécialisé sur les questions institutionnelles et le fédéralisme: "L'évolution du fédéralisme et la réforme territoriale en cours en Russie".

    4) Stéphan de Faÿ, ancien directeur adjoint des cabinets des ministres chargés du Grand Paris (2008-2011): "Commune, territoire, métropole, région, Etat déconcentré: comment la réforme des compétences peut-elle aider à simplifier un mille-feuille qui s'épaissit?"

    5) Préfet Daniel Canepa, ancien préfet de Paris et de l'Île de France: "Une réforme territoriale en France est elle possible? A quelles conditions?"

    Paul Vermeylen ("Le temps de la métropole", l'Harmattan 2014) lancera la discussion et sera le premier à réagir aux interventions.

    Informations et inscriptions (obligatoire):

    Etienne Planté, 01 58 81 43 51

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  • Cercle Colbert 8 juillet 2014: « Nouvelles régions : limites, interfaces, compétences »

    Réunion du groupe de travail avenir des collectivités du Cercle Colbert

    avec Anne-Marie Escoffier & Jean-Pierre Balligand

     

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    SYNTHESE

    L’exécutif a accéléré la réforme des régions, découpant « à la hache » (D. Pouillard) leur périmètre avant de déterminer leurs compétences. Le premier texte définit les contours des futures régions, les désignations de leurs capitales et fixe l’échéance des renouvellements des assemblées régionales et départementales. Le second texte sur les compétences sera examiné à l’automne, il consacrera la fin des départements vidés par « glissement » de leurs compétences principalement au profit des nouvelles régions. Après la vraisemblable alternance du Sénat en septembre, la haute assemblée ne facilitera pas l’adoption du second texte de loi.

    Anne-Marie Escoffier, encore ministre de la décentralisation en avril dernier, s’interroge sur les économies mises en avant par le premier ministre par cette réforme des régions.  Comme D. Pouillard, la ministre estime que le temps nécessaire n’a pas été pris pour lancer cette réforme.  La fin programmée des départements n’échappera pas à une réforme constitutionnelle. Jean-Pierre Balligand, président de l’Institut de la décentralisation, défend une conception régionaliste et regrette avec Pascal Mangin (vice-président du conseil régional d’Alsace) que l’on refuse de faire grandir l’Ile de France dans l’intérêt économique national et dans celui de certains des territoires à proximité. Pour JPB si les régions sont un échelon important, elles doivent avoir l’autonomie fiscale. Mais malheureusement « nous sommes rentrés dans une mécanique d’élus qui défendent leurs intérêts personnels sans débat ».

    Il importe surtout de clarifier les compétences et de définir les périmètres sur des critères non d’égalité de superficie mais de viabilité économique, de développement et d’attractivité.

     

    Libre compte rendu réalisé par

    H. de Grossouvre et Etienne Planté 

     

    1) Introduction par Henri de GROSSOUVRE, directeur des collectivités publiques de Lyonnaise des Eaux

    2) Denys POUILLARD, directeur de l’observatoire de la vie politique et parlementaire et professeur de sciences politiques 

    3) Anne-Marie ESCOFFIER, ancienne ministre déléguée en charge de la décentralisation

    4) Jean-Pierre BALLIGAN, président de l’institut de la décentralisation

    5) Débat avec les participants

     

    1) Introduction et animation Henri de GROSSOUVRE, direction des grands projets et de l’innovation de la Lyonnaise des Eaux :

     

    HG.jpgBienvenue à cette réunion du Cercle Colbert, au sein du groupe de travail sur l’avenir des collectivités animé par le professeur Denys Pouillard et moi-même. L’ordre du jour a été un peu modifié dans la mesure où les trois députés prévu à l’ordre du jour ont été retenus à l’assemblée nationale par l’actualité législative, en revanche nous sommes particulièrement heureux d’accueillir Anne-Marie Escoffier, sénatrice, qui était encore en avril dernier ministre déléguée chargée de la décentralisation et Jean-Pierre Balligand, président de l’Institut de la décentralisation, ancien député et ancien président de conseil général. Anne-Marie Escoffier émet de fortes réserves sur les deux nouveaux projets de loi sur les régions, particulièrement sur le sort réservé aux départements, tandis que Jean-Pierre Balligand voit dans ces projets des « occasions pour poursuivre le processus de décentralisation ». Le préfet Mouchel-Blaisot, directeur général de l’AMF doit nous rejoindre un peu plus tard.

     

    Au Cercle Colbert nous travaillons de manière interdisciplinaire et politiquement « œcuménique » sur des sujets concernant la gestion publique locale, la parole est libre et nous intervenons tous intuitu personae, l’ambiance y est conviviale tout en veillant au niveau et au sérieux de nos travaux.

     

    Mon camarade Denys Pouillard va tout d’abord nous dresser le cadre législatif des deux projets de loi en le croisant avec le calendrier électoral et politique. Le premier projet de loi, rejeté par le Sénat, actuellement en première lecture à l’assemblée nationale, concerne le découpage des régions, les dates d’élections des conseils régionaux et généraux et le choix des « capitales » régionales. Le second projet de loi concerne les compétences, il viendra en première lecture au Sénat à l’automne. Il prévoit un glissement des compétences des départements vers les régions, processus de « déshabillage » qui devrait être réglé en 1 an et demi.

     

    Ce projet renforce les régions mais aussi les intercommunalités. La région n’est plus, comme dans le projet précédent, le chef de filât. Elle doit récupérer la plupart des compétences, compétences qu’elle peut redéléguer à des collectivités ou EPCI si elle le souhaite. Ces projets de lois s’inscrivent également dans un contexte politique particulier, au lendemain d’une défaite électorale…

     

    2)Intervention de Denys POUILLARD, directeur de l’observatoire de la vie politique et parlementaire :

    Dans son discours de Rennes du 13 décembre 2013, l’ancien Premier ministre, Jean-Marc Ayrault avait tracé une route associant ces trois objectifs avec souci de maintenir la cohésion entre les acteurs et ne pas opposer la nation à ses représentants, ses représentants entre eux. Donc des « régions fortes, innovantes et influentes…de nouvelles compétences devront être transférées aux régions… » avant d’ajouter : « Je souhaite donc que l’on expérimente des modes d’organisation innovants, ou l’exercice différencié de certaines compétences. La Constitution le permet…les outils existent pour simplifier l’organisation des compétences et mieux prendre en compte la réalité des territoires dans le respect de l’unité de la République » avec cette nouveauté fondamentale, « davantage de marge de pouvoir réglementaire local pour adapter les règles aux spécificités des territoires ».

    Ce n’était ni la loi de la hache, ni la crainte des identités régionales, tout au contraire. Dans un avant-projet de loi transmis au Conseil d’Etat, en avril 2014, l’exposé des motifs rappelait « les orientations fixées par le Président de la République à l’occasion de sa conférence de presse du 14 janvier que le Premier Ministre a précisées lors de sa déclaration de politique générale du 8 avril dernier ».

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    Ainsi cet avant-projet rassemblait dans un même texte la question du périmètre des régions, celle des compétences des collectivités, l’évolution des Epci, le devenir des départements. Pour les régions, une consultation des régions qui auraient fait la demande d’un projet de regroupement devait recueillir la majorité des suffrages exprimés dans chacune des assemblées concernées et c’est seulement en l’absence de propositions de regroupement avant le 30 juin 2015 que le gouvernement aurait proposé avant le 31 mars 2016 « une nouvelle carte des régions de France par regroupements de celles-ci ou rattachement de départements, carte soumise pour avis aux conseils régionaux et conseils généraux concernés. Les modifications de la carte des régions auraient, alors été fixées par « une loi spécifique adoptée avant le 1er janvier 2017 »

     

    Or l’Exécutif a changé brusquement de cap : le Président de la République a pris l’initiative de définir lui-même le nombre de régions (tout en en variant deux fois le chiffre), voire leurs nouveaux contours. Plus question d’attendre le 1er janvier 2017, ni 2016 d’ailleurs ; plus question, également, de faire examiner un texte unique par le Parlement. Deux textes sont donc issus de ce changement de stratégie hautement politique mais dont le mode opératoire demeure à risques, sans pour autant échapper à une révision constitutionnelle, en ce qui concerne la fin des bons et loyaux services des départements.

     

    Il est clairement écrit dans l’exposé des motifs du second texte : « dans une France organisée autour d’un Etat conforté dans ses prérogatives républicaines de garantie des grands équilibres territoriaux et de l’égalité entre les citoyens, de régions renforcées et d’intercommunalités puissantes et adaptées à l’exercice des compétences de proximité, le débat pourra s’engager sereinement sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020, pour aboutir à une révision constitutionnelle avant cette date. »

     

    Le premier texte, le redécoupage territorial

    Le premier texte de loi concerne donc la carte des futures régions, celles qui demeurent en l’état, celle qui se regroupent non pas librement mais, en dehors de toute consultation populaire, par la volonté du législateur sous la conduite de l’Exécutif ! Ce texte stipule les conditions de désignation des capitales régionales ; il fixe la nouvelle échéance électorale du renouvellement des assemblées départementales et régionales.

     

    Obligé de passer par la case Sénat, en première lecture, ce texte vient de prendre quelque retard ; le Gouvernement peut néanmoins se satisfaire d’une lecture, désormais, de son texte initial et non du texte issu de la commission spéciale ; une satisfaction toute relative qui ne le met pas à l’abri d’un détricotage encore plus sévère en séance publique au point d’envoyer à l’Assemblée nationale un véritable « plan B ». Ce sera alors une course de vitesse avant décembre 2014, de manière à respecter le délai d’un an avant les élections fixées, en plein hiver, en décembre 2015 !

     

    Le texte maintient, en France métropolitaine - hors Corse - six régions dans leurs limites actuelles (Aquitaine, Bretagne, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Pays-de-Loire, PACA) ; il propose la création de sept « mégarégions » (Alsace-Lorraine, Rhône-Alpes-Auvergne, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Limousin-Poitou-Charentes, Champagne-Ardenne-Picardie, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Normandie).

     

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    Le projet de loi fixe également le nombre de conseillers dans chaque région maintenue ou recomposée, au maximum de 150 élus (de 83 membres en Aquitaine à 150 en Auvergne-Rhône-Alpes, Ile-de-France, Centre-Limousin-Poitou-Charentes, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées) et leur ventilation par département ou  collectivité à caractère spécifique (28 sièges pour la Métropole de Lyon).

     

    Quant aux capitales des nouvelles régions, un parcours du combattant leur est affecté pour leur désignation : « le chef-lieu est fixé de façon provisoire par décret simple avant la création de ces régions après avis des actuels conseils régionaux et consultation des conseils municipaux concernés. Les conseils régionaux devront par ailleurs assurer une concertation locale avant de rendre leur avis. Le Gouvernement recueillera ensuite avant le 1er juillet 2016 l’avis des conseils régionaux nouvellement élus sur le périmètre des nouvelles régions sur leur chef-lieu. Celui-ci sera fixé par décret en Conseil d’Etat. »

     

    Enfin la date des élections cantonales et régionales, initialement prévue en mars 2015, envisagée en 2016, est finalement annoncée pour décembre 2015…mais la durée du mandat courra jusqu’en mars 2020 ! Il faut remonter aux élections présidentielles de décembre 1965 pour identifier un scrutin en plein hiver, le mois des fêtes de fin d’année (du 6 décembre dans l’Est au 25 décembre). Si l’on retient la campagne officieuse et la campagne officielle, les candidats aux élections départementales et régionales passeront environ deux mois dans les vents, neiges, bourrasques et verglas ! Il faut remonter aux élections législatives de janvier 1956 pour identifier une situation semblable ; il est vrai que malgré les intempéries, le taux d’abstentions était particulièrement bas…mais le populisme particulièrement haut !

    Le second texte, la réforme des compétences

    Le second texte de loi, plus dense, sera examiné à l’automne, après le renouvellement partiel du Sénat. Il ne faut pas compter sur la Haute assemblée, qui connaîtra sûrement l’alternance en septembre prochain, pour faciliter la tâche du Gouvernement, surtout si le premier texte est chahuté, haché et mis en haillon.

     

    Or ce texte portant « nouvelle organisation territoriale de la République » reste le texte fondamental : celui des compétences mais aussi celui, organiquement, des interfaces entre le pouvoir des régions et celui des 36 communes. En clair c’est le texte qui consacre la fin des départements ; certes, pas de manière brutale et plutôt sous la forme light, avec subtilité, sans poser les problèmes constitutionnels qui, néanmoins, demeurent. C’est la méthode du « glissement », une forme sismique de plaques qui se chevauchent mais ne se heurtent pas

     

    Plus de compétence générale mais des «  compétences précises confiées par la loi à un niveau de collectivité » ; un champ élargi accordé à la région, au delà de la mission « de soutien au développement économique local » ou «  de plein droit la responsabilité de la compétence du développement économique régional », avec « la possibilité d’intervention en matière de logement et d’habitat, ainsi que dans les domaines de la politique de la ville et de la rénovation urbaine » ; le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire ; le chef de filat de compétences en matière de tourisme, de prévention et de gestion des déchets, de transport, de gestion de la voirie relevant des départements, de transport scolaire, des établissements d’enseignement secondaire, des ports, de participer au capital des sociétés commerciales…

     

    En fait les compétences départementales « glissent » au fil des articles du projet de loi, vers des attributions confiées aux régions et rarement à d’autres collectivités. La région, néanmoins peut ensuite déléguer certaines de ses compétences, mais sous sa responsabilité, à des collectivités ou organismes. Parallèlement sont prévus, par « glissement » des transferts de compétences départementales aux Métropoles. Le nouveau pouvoir réglementaire de la région « s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi », sans autre précision complémentaire.

     

    3) Intervention d’Anne-Marie ESCOFFIER, ancien ministre déléguée à la décentralisation, sénatrice (jusqu’en avril 2014) :

     

    Escoffier.jpgA l’occasion de la séance des questions d’actualité au Sénat, j’ai demandé au premier ministre des précisions sur le projet de réforme territoriale. Elle est présentée comme un moyen de réaliser de nouvelles économies. J’ai donc demandé à monsieur le premier ministre de préciser l’état des économies déjà engagées. Combien d’économies ont déjà été faites grâce aux autres réformes ? Le ministre n’a pas répondu à ma question. Elle est pourtant fondamentale. Le gouvernement cherche à faire des économies dans tous les domaines. La réforme territoriale est justifiée par cette nécessité économique prétend le gouvernement. Or c’est faux. Cette réforme nécessite des dépenses dans un premier temps. Les économies n’interviendront que dans un second temps. Mais combien de temps tout cela prendra-t-il ? Au bout de combien d’années les économies seront-elles effectives ? Toutes ces questions appellent des réponses que le gouvernement ne fournit pas.

     

    Une autre difficulté est apparue. La loi était mal préparée. Une réforme d’une telle importance nécessite un travail de préparation en amont, des débats contradictoires. En un mot, la réforme avait besoin de temps et ce temps ne fut pas donné en quantité suffisante aux élus chargés de sa réalisation. Jusqu’à présent la réforme de l’Etat n’a pas été évoquée. Elle est pourtant fondamentale et intimement liée à celle du territoire. L’Etat est distinct des collectivités mais ne constitue pas un monde à part. Les deux entités sont complémentaires.

     

    4) Jean-Pierre BALLIGAND, président de l’Institut de la décentralisation (ancien député, ancien président de CG…) :

     

    Je ne défends pas une conception départementaliste de la décentralisation mais une conception régionaliste ainsi que les « conférences territoriales » qui permettraient aux territoires de s’organiser souplement en fonction de leurs spécificités. Il y a des régions qui n’ont pas de métropole, elles doivent s’organiser différemment. Je suis comme son « collègue alsacien » en faveur d’un élargissement de l’Ile de France pour ne pas délaisser les territoires au sud de la région Ile de France.

     

    Les différentes problématiques de la réforme territoriale

    Plusieurs questions sont à considérer dans ce projet de réforme. Il y a eu tout d’abord un risque et un problème quand, l’année passée, les métropoles ont demandé tout le pouvoir. Par ailleurs la loi de 2010 supprimant la Taxe Professionnelle a supprimé l’autonomie fiscale des régions, alors que si l’on pense que la région est un échelon important, il faut lui donner de l’autonomie fiscale. Le problème est que les conseils généraux ont été les grands vainqueurs de la première décentralisation, ce n’était pas prévu ! La clause de compétence générale a couté beaucoup d’argent aux collectivités, les conseillers généraux se sont saisis des compétences non obligatoires pour faire carrière, en faisant par exemple construire des salles polyvalentes visibles des électeurs, même là où il n’y en avait pas besoin. Cette gouvernance n’est pas exemplaire. L’argent a été investi trop facilement et dans des directions très différentes. Cette situation, permise à cause de la clause générale de compétence, est supportable en période de développement économique. Seulement aujourd’hui la reprise tarde et l’argent devient rare. Il est impératif de supprimer la clause générale de compétence et d’instaurer une cohérence dans la gestion de l’investissement public. Il faut donc réformer et clarifier les compétences.

     

    En ce qui concerne maintenant le nouveau découpage des régions, il n’y a pas de problème majeur à part deux anomalies : la Bretagne et l’Aquitaine par rapport au Poitou Charentes et à la région Centre. En revanche, il y a un sujet important qui reste à régler, et je suis d’accord sur ce sujet avec mon collègue alsacien, celui de l’Ile de France. Il n’est pas normal que l’Ile de France ne puisse pas être agrandie alors qu’il y a à proximité des régions, territoires, « qui n’existent pas » et où, aussi pour ces raisons d’identité de territoire, il y a des problèmes de vote FN. Souvenez-vous, il y a 28 ans, le Front National perce à Dreux, une ville délaissée, située dans située dans le département d'Eure-et-Loir en Région Centre. L’affaire du foulard éclate d’abord à Creil, dans un lycée classé ZEP. Il faut donc se demander que doit être le grand bassin parisien pour éviter que des problèmes similaires ne se reproduisent.

     

    Nous sommes rentrés dans une mécanique d’élus (qui défendent leurs intérêts personnels), sans débat. Pour sortir de cette mécanique infernale, il sera primordial de mettre fin au cumul des mandats. Les conflits d’intérêt sont trop nombreux dans ce pays et empêchent toutes réformes de fond.

     

                Quel critère utilisé pour le redécoupage des régions ? 

     Le critère économique est la référence la plus percutante pour le redécoupage. L’instrument de mesure est alors le PIB/habitant. Les régions n’ont pas besoin de beaucoup d’espace pour être dynamique. Regardez les landers allemands. Elles ont besoin d’être structurées autour de pôles puissants. 

     

    5)Débat avec le reste des participants

     

    Alain PETITJEAN, Directeur général de Sémaphores : Vous avez parlé, monsieur POUILLARD, de loi à la Hache. Pouvez-vous développer votre propos ? Qu’entendez-vous par loi à la Hache ?

     

    Denys POUILLARD : La hache n’est pas financière. Elle est dans la manière de découper les nouveaux territoires. Le découpage a été violent, arbitraire.

     

    Henri de GROSSOUVRE : Il est toujours intéressant de voir ce qui s’est fait à l’étranger. En Allemagne, une réforme similaire a été engagée. Un temps fut laissé aux collectivités pour décider elles-mêmes de leur avenir. Elles avaient le choix du partenaire pendant un temps. Ce délai dépassé, l’Etat fédéral décidait pour elles.

     

    Denys POUILLARD : C’est ce modèle qui avait été prévu dans l’avant-projet mais qui a été finalement rejeté. L’ancien premier ministre, Jean Marc Ayraut, avait proposé un temps d’expérimentation mais qui n’a finalement pas été adopté.

     

    Anne Marie ESCOFFIER : Pourquoi découpe-t-on les régions ? Un motif économique ? Non, il n’y aura pas d’économies. Pour comprendre ce qui est à l’origine de cette décision, il convient de revenir vers la fonction des régions. Elles ont des compétences pour favoriser le développement économique, l’innovation d’un territoire. Leur délimitation devrait se fonder sur une réalité économique. Or ce n’est pas le cas dans cette loi.

     

    mangin.jpgPascal MANGIN, vice-président du conseil régional d’Alsace : Il ne s’agit pas que d’une question économique, l’enjeu est que les régions soient les vecteurs du développement en général. Pascal Mangin regrette que l’Ile de France ne grandisse pas, compte tenu de son importance économique et démographique, elle pourrait être un vecteur important de développement.

     

    Anne-Marie ESCOFFIER : Je suis réformatrice mais il faut prendre le temps de la réflexion. Nous n’avons pas parlé de l’Etat, mais c’est un tout, l’Etat et les collectivités doivent travailler ensemble comme cela était clairement énoncé dans la précédente loi.

     

    Joël BROQUET : Monsieur BALIGAND, je doute que la position fédéraliste soit défendable au sein du cercle Colbert. Cependant si vous n’étiez pas dans cette enseigne seriez-vous fédéraliste ? 

    Jean-Pierre BALLIGAND : Le fédéralisme ne me choque pas. Le modèle jacobin de formation des élites ne fonctionne plus, le principe d’égalité ne fonctionne plus. Le décrochage rural et les différenciations territoriales sont de plus en plus visibles.

     

    Pascal MANGIN : Il faut réformer mais il ne faut pas que les préfectures s’occupent, comme c’est souvent encore le cas, de compétences qui ont été transférées aux territoires,

     

    JY_Chapuis.jpgJean-Yves CHAPUIS, ancien vice-président de Rennes Métropole, urbaniste : Economie, emploi, démographie sont liés. Et ces trois données ont été ignorées dans cette réforme territoriale telle que présentée au Sénat. Autre erreur, la rigidité du modèle proposé. Il devrait être à géométrie variable. Les départements me semblent nécessaires pour encadrer des territoires qui ne sont pas structurés autour d’une métropole.

     

    Denys POUILLARD : La société civile est la grande absente de ce débat sur la réforme territoriale. Elle risque de faire entendre sa voix surtout dans le contexte actuel de « Convergences de lutte » décrit par un journaliste de mediapart. Plusieurs groupes de contestations se sont constitués depuis le début du quinquennat de François Hollande (mariage pour tous, écotaxe). Ces groupes se regroupent pour protester contre le gouvernement. C’est ainsi que des représentants de « la manif pour tous » étaient aux côtés des bonnets rouges.

     

    Alain PETITJEAN : La grandeur d’un territoire ne se mesure pas à sa taille. Regardez la Champagne, la Bourgogne et le Bordelais dont les produits sont connus et renommés grâce à leur produit. Les autres régions doivent développer du marketing territorial pour que leur produit soit connu à l’international et que leur région soit attractive pour les investisseurs étrangers.

     

    Jean-Pierre BALLIGAND: Diminuer le nombre de région est devenu une nécessité. Parmi leurs compétences se trouve la gestion des universités. Leur nombre n’a cessé d’augmenter sans besoin particulier. Il y a donc trop d’universités. Chaque région voulait son université. Chaque région a investi dans ce domaine alors que la demande n’était pas suffisamment présente.